Des bergers tout propres, du foin frais, trois rois mages aux somptueuses tenues, un bébé qui dort à poings fermés sous le regard tranquille d’un boeuf et d’un âne, des anges immaculés de blanc… Nos scènes de la nativité sont-elles fidèles à ce que nous rapportent les textes de la Bible?
L’évangile de Marc, le plus ancien des quatre évangile (rédigé autour de 70), ne parle pas de cette naissance. L’auteur de Marc commence son récit lorsque Jésus est adulte, il ne s’intéresse qu’à la vie publique de Jésus.
L’évangile de Jean est différent des trois autres évangiles qu’on appelle « synoptiques », tant par son scénario et que par la théologie développée. L’auteur de Jean parle du Dieu qui s’incarne en termes de parole et de lumière.
Matthieu et Luc rédigent leur évangile à la même époque, mais indépendamment l’un de l’autre. Les deux auteurs se servent à la fois de sources différentes, ce qui expliquent que leurs récits ne sont les mêmes. Et ils se basent aussi sur des traditions communes qui expliquent les points communs : Marie et Joseph comme parents « terrestres » de Jésus, l’ange comme intervenant céleste, etc.
Les auteurs font donc des choix, rédigent des éléments qui leurs sont propres, tout cela au service du message qu’ils souhaitent transmettre. Les récits de naissance de Matthieu et Luc introduisent le « programme théologique » de chacun des évangélistes.
Des témoins pas tout à fait choisis au hasard
Matthieu et Luc mettent tous les deux en scène des témoins de la naissance de Jésus. Selon la loi juive de l’époque, pour qu’une déclaration soit rendue valide, il fallait au minimum deux témoins. Et la particularité des témoins choisis par les évangélistes en dit beaucoup sur le sens que chacun d’eux donne à son évangile.
Des bergers chez Luc
Luc parle peu de la naissance elle-même de Jésus. Il développe surtout la visite des bergers comme premiers témoins. Loin de nos représentations bucoliques d’aujourd’hui, les bergers étaient à l’époque considérés comme des marginaux de la société: pauvres gens à l’hygiène douteuse, accusés de voler le lait des brebis qu’ils gardaient, etc. Leur réputation était mauvaise, ils n’étaient clairement pas des gens fiables… et pourtant… les parias de la société deviennent les témoins privilégiés de la naissance du Christ!
Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres: « Allons donc jusqu’à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se dépêchèrent d’y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le bébé couché dans la crèche. Quand ils le virent, ils racontèrent ce que l’ange leur avait dit au sujet de ce petit enfant. Tous ceux qui entendirent les bergers furent étonnés de ce qu’ils disaient.
Évangile de Luc 2,15-18
Luc annonce dans ce récit de Noël son projet pour toute la suite de son évangile: une bonne nouvelle qui s’adresse à chacune et chacun!
Des savants chez Matthieu
L’évangile de Matthieu rapporte que ce sont des mages venus de pays étrangers qui se mettent en route pour offrir des présents au « roi des Juifs ». Ces savants originaires de Perse sont des scientifiques comme on le comprenait à l’époque: ils observent la nature et interprètent les événements. On leur prêtait même des pouvoir magiques, leur savoir touchant au surnaturel. Ces étrangers qui ne partagent pas la croyance au Dieu d’Israël, ces personnes dont on se méfiait à cause de leur savoir obscur deviennent sous la plume de Matthieu les témoins privilégiés de la naissance de Jésus.
Jésus naquit à Bethléem, localité du pays de Judée, à l’époque où Hérode était roi. Après sa naissance, des savants, spécialistes des étoiles, vinrent de l’Est et arrivèrent à Jérusalem.
Évangile de Matthieu 2,1-12 (extraits)
Après avoir reçu des instructions du roi (Hérode), ils partirent. Ils virent alors l’étoile qu’ils avaient déjà remarquée à l’Est : elle allait devant eux, mais, au moment où elle arriva au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant, elle s’arrêta. Ils furent remplis d’une très grande joie en le voyant ainsi. Ils entrèrent dans la maison et virent l’enfant avec sa mère, Marie. Ils se mirent à genoux et adorèrent l’enfant ; puis ils ouvrirent leurs bagages et lui offrirent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ensuite, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner auprès d’Hérode ; ils prirent alors un autre chemin pour retourner dans leur pays.
La bonne nouvelle de la naissance du Christ n’est pas réservée aux seuls Juifs de l’époque, elle s’adresse aux hommes et aux femmes de partout. Matthieu annonce déjà par son récit de Noël la portée universelle de l’évangile!
Avez-vous remarqué que Matthieu dans son récit ne fait pas mention d’une étable? La rencontre a lieu simplement dans une maison. En outre, l’évangile de Matthieu n’indique ni le nom des mages ni le fait qu’ils sont rois ni même leur nombre. Au fil des siècles, celui-ci variera entre 3 et 7, selon les interprétations. Sur les fresques de la Blanche Église de la Neuveville, les mages sont cinq!
Et le boeuf et l’âne, alors?
Le besoin d’en savoir plus sur la naissance et la vie de celui que les premiers chrétiens confessent comme leur sauveur a donné lieu à de nombreux récits et développements, de nouvelles histoires, de petits détails ajoutés. Ces récits plus tardifs n’ont pas été retenus pour figurer dans le Nouveau Testament, mais il ont influencé – et continuent de le faire – la tradition chrétienne. Ces textes sont appelés « apocryphes », ce qui signifie « cachés ». Voici un extrait d’un récit apocryphe qui parle d’une tradition que l’on connaît bien, mais qui ne figure ni dans l’histoire de Luc ni dans celle de Matthieu:
Or, deux jours après la naissance du Seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l’enfant dans une crèche, et le bœuf et l’âne, fléchissant les genoux, adorèrent celui-ci..
Évangile de Pseudo Matthieu 14 (extraits)
Le bœuf et l’âne, un peu comme nous face à la bonne nouvelle de Noël: surpris, attentifs, reconnaissants.
Une bonne nouvelle
Les questions suscitées par ces développements autour de la naissance de Jésus et ces différences entre les textes nous interpellent et surtout nous engagent à devenir des témoins actifs de l’enseignement du Dieu que nous confessons: un Dieu qui a définitivement pris le parti des hommes et les femmes de la terre!
À Noël, Dieu prend corps et chair pour rejoindre notre humanité.
Christ, faiblesse de Dieu, nous invite à la fête!
Que la vôtre soit belle!