Prédication prononcée le dimanche 7 juillet 2024, à l’église du Pasquart à Bienne.
Lectures bibliques: Exode 20,8-11 et évangile de Marc 6,30-37a
Vive les vacances ! Plus de pénitence !
Voilà ce que Jésus et ses disciples auraient pu fredonner en se retirant au calme sur leur barque.
Et oui, il y a quelque temps, ils étaient partis de chez eux, ils n’avaient « ni pain, ni sac, ni monnaie de bronze à la ceinture » nous rapporte l’évangile de Marc. Ils ont marché, proclamé, prié avec des malades. Ils sont fatigués. Et Jésus, voyant ses disciples avec des cernes sous les yeux, leur dit : « Allez, hop, tous en vacances ! » On prend la barque, on se trouve un beau spot au bord du lac, on passe un moment juste entre amis, un peu à l’écart du monde. Car c’est cela aussi prendre des vacances : c’est prendre de la distance. D’avec sa vie, d’avec ses soucis, d’avec les problèmes du quotidien.
Le plan semble parfait ! Un temps de repos bien mérité, loin de la foule et des responsabilités.
Un repos bien mérité
Cela nous parle à nous ici qui attendons des vacances d’échapper au stress et obligations du quotidien.
Ce besoin de repos est une réalité pour chacune et chacun de nous.
Dormir est un besoin physique, qui permet à notre organisme et à notre cerveau de se régénérer. Et ce qui est vrai du point de vue biologique, l’est aussi du point de vue existentiel et spirituel : nous avons besoin de recharger les batteries de l’esprit, besoin mettre à distance l’espace d’un moment nos préoccupations et tracas, pour faire de la place aux questions du sens.
C’est justement le rôle du sabbat – ce jour de repos – que la tradition juive a développé. Un jour à part, hors du train-train du quotidien pour se relier à la réflexion sur le sens de la vie, à Dieu.
Mais bien vite, ce qui fait notre ADN protestant se méfie du repos, synonyme de paresse ou d’oisiveté…
Et puis, dans les temps de grandes turbulences que nous vivons, est-ce vraiment le moment pour prendre du repos ?
Et n’est-ce pas un peu futile au regard de l’actualité toute proche de prêcher sur un thème aussi léger que les vacances ? Il y aurait tant à dire et tant à faire sur des sujets bien plus préoccupants, comme les élections en France aujourd’hui, avec la montée de l’extrême droite et les conséquences potentielles pour notre société.
Pourtant, prendre le temps du repos, un moment à part, consacré à ce qui fait sens dans notre vie est vital, au point que cela constitue – nous l’avons entendu avec le passage du livre de l’Exode – l’un des dix commandements, l’une des règles de base du vivre ensemble !
Le repos est essentiel. Fatigués, nous sommes plus susceptibles de céder à la peur et au désespoir. Reposés et renouvelés, l’esprit éclairé par ce qui fonde nos valeurs de vie, nous pourrons répondre avec cohérence et courage.
Prendre du repos n’est donc ni signe de paresse, ni une faiblesse, ni une fuite de la réalité.
Prendre du repos est peut-être même un acte de foi. C’est dire : « Je fais confiance à quelqu’un d’autre que moi pour gérer le monde pendant que je fais une sieste. » Et croyez-moi, le monde peut très bien se passer de nous pendant une heure ou deux, peut-être même une semaine !
Quand Jésus dit à ses disciples de se retirer dans un lieu désert, il leur rappelle que tout ne repose pas que sur leurs épaules. Se reposer leur permettra de revenir plus forts.
Puissent alors nos vacances estivales nous revigorer ! Qu’elles soient sportives, culturelles ou farniente, à la mer ou à la montagne, all inclusive ou road trip, peu importe, nous reviendrons prêts à affronter les défis avec une énergie renouvelée, n’est-ce pas?
Oui! Mais encore faudrait-il que tout se passe comme prévu, n’est-ce pas ? Déjà qu’on en n’a pas tant que ça, des vacances, il faut qu’elles soient au minimum parfaites !
Mais que se passe-t-il quand l’imprévu s’invite dans nos plans ? Comme c’est arrivé à Jésus et aux disciples rattrapés par la foule… Imaginez-vous, sur la plage, les doigts de pieds en éventail, quand soudain, votre téléphone sonne avec des mails du bureau ou des appels urgents. C’est exactement ce qui se passe ici : la foule suit Jésus et ses disciples, perturbant leur plan de repos. Pas de répit pour les braves !
Le plan semblait pourtant parfait…
Ah… la perfection
Nous avons tous cette vision idyllique des vacances sans accroc. On met beaucoup d’exigence sur nos vacances. Il faut qu’elles soient comme-ci et comme-ça. Qu’elles répondent toujours à nos besoins, à nos désirs… Sinon, nous devenons parfois hargneux.
Pour cela, nous planifions chaque détail : destination, activités, hébergement, rien ne doit être laissé au hasard !
Tout est sous contrôle ! Jusqu’au moment où la météo n’est pas clémente, il manque un piquet de tente, la voiture tombe en panne le jour du départ, le vol est retardé, la chambre d’hôtel qui ne ressemble pas du tout aux photos sur Internet.
Il suffit parfois d’un imprévu, d’un disfonctionnement, et on se met à dire « on aurait mieux fait de rester chez soi ».
Cette quête de perfection révèle notre désir humain de tout contrôler, et pas seulement quand il s’agit des vacances. Nous savons bien que nous ne maitrisons pas tout, mais nous sommes quand même étonnés, frustrés, fâchés chaque fois que nous en faisons l’expérience.
Nous pouvons planifier, organiser, mais il y aura toujours des moments où nos plans seront bouleversés. Planifier, on y arrive ! Gérer l’imprévu, c’est impossible, si nous voulions le faire, il nous faudrait prévoir l’imprévu, et ce paradoxe, je crois que nous ne pouvons que le laisser au mystère divin !
Divine surprise
La question n’est donc pas de savoir si l’imprévu arrivera, mais comment nous y réagirons.
Le récit de l’évangile de Marc des plans de vacances contrariés de Jésus et des disciples nous interpelle une fois de plus sur notre capacité à voir ce qui se passe plus loin que nos insatisfactions immédiates.
Et que se passe-t-il justement dans la suite de notre récit ? Et bien, c’est un repas – quelques pains, quelques poissons – partagés entre tous et qui rassasie chacune. Magnifique, non? ça valait peut-être la peine finalement que les plans soient chamboulés !
Nous ne maîtrisons pas tout, c’est clair. Mais nous avons tout pouvoir sur la manière dont nous relisons, interprétons et réagissons face aux imprévus de la vie. Et quand l’imprévu n’est pas une question de vie ou de mort, voir le beau et le plus de la situation est à notre portée, et assez aisément!
Vous avez certainement fait l’expérience d’une situation inattendue, où rien ne s’est déroulé selon ce qui était prévu, mais qui finalement a conduit à quelque chose de beau !
Se perdre en route et découvrir un coin de pays magnifique, une rencontre improbable…
Cette disposition d’esprit, c’est une manière aussi de confesser le Dieu de l’évangile : le dieu de la surprise qui n’a de cesse de nous faire changer de point de vue. Le dieu qui ne se laisse pas planifier, le dieu du voyage qui se donne à connaître dans les visages de celles et ceux qui croisent nos routes.
L’imprévu de la vie et ses clins d’yeux nous engagent à oser lâcher prise par moment, à oser vivre et savourer ce qui se présente à nous, et à discerner dans l’imprévu les signes d’une présence toute divine à nos côtés.
À vos tongs, parasols et sudoku ! Que vos vacances exotiques ou a casa soient remplies de repos, de rires, et de place pour accueillir la surprise… sans inquiétude, sans soucis.
Demain il fera beau !
Amen
Un grand merci pour ce message tout ensoleillé dans lequel chaque mot écrit porte ! Bonnes vacances à vous et à votre famille . Bien joyeusement avec cette provision d’espérance et d’optimisme dans un monde qui génère plutôt le pessimisme et la désespérance.