À la source

Prédication du dimanche 5 mai 2024 à l’église du Pasquart à Bienne.
Lectures bibliques: Jérémie 17,5-8 et 1 Corinthiens 13,1-8

« Dieu te voit, » me disait ma grand-maman les rares fois où je faisais des bêtises… « Dieu te voit »… en matière de pédagogie, il semblerait qu’elle n’ait rien eu à envier au prophète Jérémie qui éduque ses contemporains à coup d’annonces de malédictions !

Les auteurs du livre du Jérémie témoignent de cette représentation largement partagée d’un Dieu qui punit le mal et récompense le bien. Une sorte de pédagogie de la bénédiction et de la malédiction, plus communément appelée : la carotte et le bâton !

Nous ne retenons en général de Jérémie que ses amères lamentations, ses fameuses jérémiades. On se rappellera désormais à la lecture de ce passage d’un homme vent debout contre les dérives de son temps.

En effet, la force des propos de Jérémie témoigne du cœur engagé de sa prédication : il place au cœur de son message le droit et les normes éthiques. Il s’élève contre une pratique du culte uniquement orientée sur des besoins personnels. Et troisième grand thème de son ministère : il critique la richesse des autorités politiques de l’époque… Étourdissant d’actualité, ce vieux prophète !

Alors oui, les paroles de Jérémie sont dures et catégoriques : « Maudit celui qui fait confiance aux hommes ; aucune chance pour lui de voir le bonheur ». Il met en garde ses contemporains contre la tentation de placer leur confiance dans des choses éphémères comme l’argent, le pouvoir, les alliances politiques ou même sa propre force. L’homme – ou la femme – qui n’a que lui-même comme horizon n’est rien de plus qu’un buisson rabougri. Il est comme un arbuste dans le désert, sans eau ni vie. Ces durs propos reflètent l’urgence à se détourner de soi-même ! À remettre bon ordre dans les priorités qui font nos vies.

Pour Jérémie, le choix de la vie qui se déploie, qui porte du fruit, est le choix d’une vie avec ou sous le regard de Dieu. Tout le reste n’est que stérilité. Pour lui, c’est dans la fidélité à son Dieu que se trouvent la possibilité d’une bénédiction, la possibilité du bonheur.

Bonheur

Car au fond, c’est bien de cela dont il s’agit : Jérémie ne veut rien d’autre que le bonheur de ses contemporains.
Comme des parents qui ne souhaitent finalement rien d’autre que le bonheur de leurs enfants. Comme cette amie qui ne désire que mon bien, comme chacune de nous aspire finalement à ce que nos semblables aient une vie belle et bonne.

Si nous sommes frappés par la rudesse des propos de Jérémie quand il parle de malédiction, alors soyons tout aussi touchés – par contraste – par la force de la conviction qu’il nous partage : le Dieu qu’il confesse est aussi celui qui donne joie et bénédiction, possibilité d’un avenir. Celles et ceux qui placent leur confiance en lui seront comme des arbres plantés près de l’eau. Ils n’ont pas peur de la sécheresse, car leurs racines puisent à une source intarissable. Ils portent du fruit, même dans les moments difficiles.

Cette image de l’arbre planté près de l’eau est à mon sens l’une des plus belles images bibliques pour dire l’espérance. C’est une image puissante en cela qu’elle ne nie pas les temps de sécheresse que peuvent connaître nos vies. L’appel de Jérémie à faire confiance à son Dieu ne signifie pas que les rudesses de la vie nous seront épargnées – tout comme le baptême que nous avons vécu tout à l’heure n’aura pas immunisé Cassandra contre le rhume !

C’est une image puissante en cela aussi qu’elle ancre en nous la certitude que la (re)source nécessaire à laquelle puiser pour affronter et peut-être bien surmonter les difficultés, nous y avons accès : on pourrait en disserter dans de longues phrases, on la nommera simplement « amour ».

Amour

Je suis bien consciente que ça fait toujours un peu cliché de dire ça ainsi, mais vous l’avez bien compris, je ne vous parle pas ici d’amour mièvrement sentimental. C’est autre chose dont il est question dans la lettre de Paul à la communauté de Corinthe.

Il est question de l’amour généreux et exigeant qui va motiver notre action, nous mettre en mouvement vers les autres. Il s’agit de l’amour qui supporte la critique et l’adversité, la remise en question, sans mauvaise foi ni fausse modestie. On parle de l’amour qui nous apprend la patience d’expliquer, d’accompagner encore. La patience de recommencer quand nous avons échoué.

Il est question de l’amour qui rend endurant et persévérant quand tout autour de nous semble fonctionner sans foi ni loi… Il est tellement facile de se sentir frustré par ceux qui prennent des raccourcis, ne réfléchissent que dans l’immédiateté, ou manquent de respect pour les autres.

Avenir

C’est précisément dans ces moments-là que nos racines doivent être solides pour continuer à assumer notre responsabilité, à savoir celles de traduire dans le concret de nos quotidiens les valeurs de l’évangile : honnêteté envers les autres et soi-même, respect et ouverture, lucidité à percevoir et accepter nos capacité et nos limites.

Où choisissons-nous de placer notre confiance ? Et comment s’exprimera-t-elle ? Où cherchons-nous notre sécurité ? Comment grandir vers les autres ? Comment permettre aux autres de grandir ?

La vie avec ce Dieu du questionnement raconté dans les textes de la Bible, avec ce Dieu qui nous renvoie sans cesse à nos propres responsabilités humaines, nous incite à en faire de même avec nos semblables, et en ce sens-là nous partageons avec Jérémie la mission d’éduquer nos semblables, c’est-à-dire de les nourrir, de les instruire, de les élever… et de nous laisser éduquer, nourrir, élever par eux… jusqu’à pas d’âge !

Et bonne nouvelle ! Nous en sommes capables ! Le baptême de Cassandra nous l’a rappelé tout à l’heure : nous sommes capables de tout l’amour possible puisque nous nous savons aimés d’abord. Ancrer nos racines dans la conviction que tout nous a d’abord été donné est la promesse d’une bénédiction, c’est-à-dire d’une juste articulation entre nos possibilités humaines et tout ce qui advient au-delà de nos limites. C’est la promesse de découvrir la logique de l’inconditionnel et de l’absolu, force et inspiration pour nos petits et grands choix de vie. Là plongent nos racines.

Que ces racines solides soient des repères pour aller et accompagner nos semblables vers le bon sens, l’amour et la foi en la vie. C’est ce que promet le Dieu de l’Évangile, et c’est ce que nous pouvons offrir au monde.

Amen

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