La tristesse se changera en joie

Mon collègue Macaire Gallopin (St-Imier) et moi avons proposé dimanche 25 avril un culte construit sur les 5 solae de la Réforme. En musique et en mots, nous avons remonté le temps pour retrouver un peu de l’authenticité de nos origines, non pas pour glorifier ou pleurer un passé révolu, mais pour y retrouver les clés de ce qui donnera de l’authenticité à nos vies d’aujourd’hui.

La prédication est construite à partir du passage de l’évangile de Jean 16, 16-24 et sur le choral pour orgue de Jean-Sébastien Bach « O Mensch bewein dein Sünde gross ».

Nous vous proposons de lire le texte biblique dans votre Bible préférée avant de lire la prédication puis d’écouter la pièce musicale.

Nous ne comprenons plus…

Il est venu ce jour… Jésus est mort, il est ressuscité. Et effectivement nous ne posons plus de questions, tant tout semble aller de soi, ce que nous sommes, ce que nous avons.

Bercés par les discours lisses et préfabriqués que nous entendons autour de nous, assoiffés de citations mielleuses à afficher sur nos murs Facebook, perdus dans la quête de notre bonheur personnel, nous ne comprenons plus.

Nous nous abreuvons de bonne conscience en faisant de nos fondements théologiques une somme de slogans moraux qui nous dédouanent de toute action concrète. « Aime ton prochain ! » oui… surtout si le prochain c’est moi !
Nous consommons du religieux, parce que nous ne comprenons plus.

Chercher le sens

La Réforme il y a 500 ans a voulu redonner l’occasion du sens à chaque croyant, il est temps d’en retrouver la clé pour nous aujourd’hui. Retrouver du sens qui touchera bien plus que notre intellect seulement, un sens qui va nous toucher au cœur, qui va nous remuer jusqu’au fond de notre être et nous engager entièrement…

S’engager sur le chemin du questionnement, c’est emprunter le chemin difficile, le chemin qui ne va pas de soi au regard du monde.  « En vérité, en vérité je vous le dis, vous allez pleurer et vous lamenter tandis que le monde se réjouira ». Donner du sens, rechercher le pourquoi du comment, cela coûte. C’est un effort de chaque instant. C’est un chemin sinueux d’espérance désabusée, de pas manqués, de marche ratée, de désillusions, de désespérance. C’est dans les soubresauts de l’existence, dans les décalages, les marches à franchir que nous décelons un sens.

Chemin de croix

Dans le morceau que nous entendrons après cette prédication, Bach utilise une technique musicale pour montrer cette pérégrination qui nous déroute et qui prend toujours un chemin auquel nous ne nous attendons pas. Car il sait que c’est dans les soubresauts de l’existence que se dessiné profondément un chemin de vérité.  Il s’agit de la cadence évitée. Lorsque nous pensons que le morceau va retomber sur la tonalité fondamentale et se terminer, Bach remplace cette tonique par un autre accord qui lui permet de moduler dans une toute nouvelle direction. Tonalité majeure qui module à la relative mineure, puis, le morceau devient de plus en plus complexe. Et nous arrivons à cette tonalité redoutable, do bémol majeur, tonalité à 7 bémols ou toutes les notes sont baissées d’un demi-ton. Cette complexité chez Bach vient représenter les souffrances du Christ sur la croix. Puis, chemin faisant, la tonalité s’allège, pour retrouver la lumière et la joyeuseté de la tonalité de départ. Mi bémol majeur. Nous vous invitons à être attentif à ce qui est réellement une trame narrative dans ce choral après notre prédication, qui caractérise si bien la démarche du croyant.

Une démarche longue et ardue; le repos n’est pas de mise. Chaque fois que l’on pense être arrivé, on est conduit encore plus loin. Et au moment où l’on se sent complètement perdu dans ce tourbillon d’informations et d’émotions mélangées, contre toute attente, contre toute logique, un sentiment de confiance naît… Précisément au moment où tous nos repères ont disparu, au moment où nous ne pouvons pas faire autrement qu’abandonner un peu de nous-mêmes.

Laisser au pouvoir d’un autre

Abandonner, c’est à dire « laisser au pouvoir d’un autre » comme nous le rappelle l’étymologie du mot, cela ne va pas toujours de soi pour nous. Alors nous pleurons nos désirs de contrôle et de toute-puissance laissés derrière nous … difficile de faire l’expérience des limites dans notre chaire, dans notre esprit, dans nos volontés…

Pour ceux d’entre nous qui font partie des gens privilégiés dont le cours de la vie n’a pas connu trop de drames, nous avons bien souvent tendance à ignorer le fait que tout ne dépend pas de nous. Et quand un événement comme la crise COVID nous replace devant notre limite humaine, nous crions au scandale ou au complot ! Nous pleurons ce que nous pensions alors nous être dû à jamais.

Nous le comprenons aujourd’hui, nous ne pouvons pas tout par notre seule volonté et nos seules actions humaines. La théologie de la Réforme replace au centre de la foi du croyant ce Dieu de l’Évangile qui a tout donné pour que l’humain puisse tout lui abandonner.

Il n’est plus question de la figure d’un Dieu qui jugerait chacune de nos œuvres, de nos actes.
Il est désormais question d’un Dieu qui partage notre histoire, en y prenant corps, afin de nous faire comprendre que l’humanité à laquelle nous appartenons – même si elle nous fait honte parfois – cette humanité en vaut la peine…
C’est ce qu’on appelle la grâce.

Et plus besoin d’essayer de trouver grâce aux yeux de Dieu par nos actions ! Elles sont conséquences ou réponses de l’amour de Dieu sur notre vie. Cet amour inconditionnel donné gratuitement nous permet d’enfin nous accepter nous-mêmes et d’ainsi mieux aimer les autres. Débarrassés du souci de nous-mêmes, nous pouvons naître au souci de l’autre.

S’engager

Cette grâce qui nous est donnée une fois pour toute, nous sommes appelés à en témoigner par nos actions, par leur forme et leur fond, dans nos attitudes, dans nos propos, dans nos choix, dans ce souci permanent à poser un regard autre sur le monde et sa logique. L’offre de l’Évangile n’est pas de nier la détresse ou la méchanceté, elle nous permet de vivre avec ce souci et cette douleur, sans culpabilité mais avec la force de nous engager.

Dans la théologie luthérienne, l’engagement pour la société et le monde est la clé de voûte, l’aboutissement de la démarche du croyant… de chaque croyant, depuis son atelier ou du haut de la chair!

Quelle graine vais-je planter aujourd’hui qui portera du fruit ?
Quelle parole, quelle écoute vais-je donner à cette personne qui vient à moi et sollicite mon attention ?
Est-ce que je sais laisser de la place à l’autre ou à ses idées ?
Quand est-ce le moment d’oser dire sa peine ?
Ou quand est-ce simplement indécent ?
Quand dois-je dénoncer ?
Quand dois-je me taire ?

Chemin de résurrection

La relation que nous entretenons au monde est notre manière de rendre concret aujourd’hui ce retour du Christ annoncé dans les Écritures. Précisément cette joie, c’est celle que nous éprouvons lorsque nous avons donné de nous-mêmes pour une cause qui nous tient à cœur.

Alors réjouissons-nous des promesses si belles pour ce monde qui ne demandent qu’à advenir par nos engagements ! Réjouissons-nous d’un monde juste où les humains s’entendent et se comportent comme des frères et sœurs ! Jésus Christ nous donne les clés du Royaume de Dieu que nous sommes invités à construire dans notre propre monde.

Le ciel a changé la terre, à nous de changer le monde !

Et si le chemin à se frayer dans les méandres de notre réalité est un chemin semé d’embûche, où nous risquons la vie et son sens, il est aussi assurément un chemin qui nous conduira à la joie, car c’est le chemin qui nous fera connaître Jésus, le Christ. Oh, il n’est pas question ici de quelque chose de l’ordre de l’intellect seulement, non, la connaissance, c’est co-naitre, ce qui veut aussi dire « naître avec ». Naître avec le Christ dans un monde changé par notre engagement.

Pour nous aujourd’hui, ce chemin est notre capacité à dire en ces temps incertains et troublés :
« C’est difficile, c’est la cata tout autour de nous, mais ça va aller ! « 
Car le chemin que nous empruntons est simultanément chemin de croix et chemin de résurrection.

Amen

« O Mensch bewein dein Sünde gross »

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