« Faut-il garder les cultes en ligne »? Tel est le titre d’un article paru le 22 juin 2020 dans le Journal du Jura. Pour aller un peu plus loin que ce titre qui déjà réduit les activités ecclésiales au culte seulement, je pose ici quelqu’unes des réflexions qui m’habitent en ce temps post-COVID.
À propos des cultes en ligne, il est écrit ceci dans le fameux article:
« Mais alors que quelques ouailles y puisent une « facilité », d’autres entrevoient une fausse bonne idée, qui ne contribuera pas à emplir les temples. »
Le temps de la rencontre
L’offre générale en ligne des paroisses/régions/Églises réformées – et pas uniquement l’offre cultuelle – s’est complètement transformée, développée, pendant la crise COVID, évidemment. Dans les paroisses réformées de l’Erguël, pour lesquelles je travaille à la coordination par exemple, nous sommes en quelques jours passés d’un site internet qui annonçait les activités à venir, à un site internet devenu lieu de rencontre autour de la question du sens. Le nombre de visites a explosé au plus fort de la crise et on remarque actuellement une stabilité avec plus du tiers de vues hebdomadaires, par rapport à l’avant COVID. Les « quelques ouailles » se comptent donc tout de même par centaines!
Jusqu’ici l’offre se compose de contenus vidéos, audio et textes proposés par les professionnel.le.s et bénévoles des huit paroisses du Vallon de St-Imier, ainsi que de liens vers des offres émanant de toute la Suisse romande.
Retrouver des têtes et des accents locaux, tout en découvrant et se sentant faire partie de quelque chose de bien plus vaste, tel est l’équilibre recherché.
Le temps de la qualité
Choisir d’engager la présence d’une paroisse/région/Église en ligne, c’est faire du réseau internet un lieu parmi d’autres d’annonce de la Parole et de sa mise en perspective avec la réalité d’aujourd’hui. Explorer, découvrir et se familiariser avec cet espace s’apprend.
Pour la suite d’une aventure entamée dans l’urgence en temps de crise, nos offres en lignes doivent évidemment être améliorées, affinées, dans le contenu, la forme, le rythme, les moyens techniques, etc.
Qu’est-ce qui sera mis en ligne: des cultes entiers? Des extraits de prédication? Des prières? Des poèmes? Des études bibliques? Des témoignages personnels? Des propositions de catéchisme? De la musique?
En vidéo, en texte, en audio? Un mix?
Qui produira les contenus?
Comme pour n’importe quelle célébration ou animation ou activité, la question du public-cible doit être posée, de même que celle des objectifs et du moyen adéquat qui permettra de les atteindre. Par exemple, l’image vidéo est pertinente si elle apporte une plus-value au message.
La question de la complémentarité ou des complémentarités des offres ecclésiales est aussi essentielle à aborder afin de trouver les manières de communiquer adaptées: présentiel/en ligne, local/régional, individuel/communautaire, etc.
La question des ressources: personnes, finances, temps, cahier des charges, moyens techniques, etc. doit être analysée comme pour toute activité mise sur pieds.
De manière générale, les propositions émanant des paroisses/Églises doivent gagner en qualité afin de véhiculer le message de manière pertinente, accessible et attrayante. La présence en ligne n’est en rien différente de la présence en chair et en os: en tant qu’Église, nous devons à nos hôtes une qualité d’accueil, nous nous devons d’être accessibles et à l’écoute.
NB: Sur la question des enjeux et des techniques pour être présent en ligne en tant qu’institution, je vous renvoie au site theologique.ch de Nicolas Friedli, théologien et consultant web. Ses réflexions, conseils et bonnes pratiques, en plus d’être pertinents, sont accessibles et compréhensibles pour des novices du web!
Le temps du sens
J’espère bien que les paroisses/régions/Églises qui pensent et travaillent leur présence en ligne ne le font pas pour « attirer » plus de monde au culte du dimanche! Ce serait ridiculement absurde sachant que l’activité des paroisses ne se résume pas au culte, et que la foi n’a pas besoin de temple pour être partagée, vécue et questionnée.
Les paroisses/régions/Églises qui travaillent à une offre en ligne complémentaire à l’offre présentielle le font parce qu’elles ont à coeur de dialoguer certes avec des fidèles convaincus, et aussi avec un public intéressé par les questions de foi, de spiritualité, un public qui se questionne sur le sens. Un public rencontré, (re)découvert, pendant la crise sanitaire actuelle. Ce public ne franchira probablement jamais la porte d’une de nos activités traditionnelles. Parce qu’elles n’ont pas été pensées pour lui, parce qu’il n’en n’a pas envie, parce qu’il n’en n’a pas besoin.
Il en va de notre responsabilité d’Église, et même de notre raison d’être Église, de ne pas abandonner ces personnes que nous venons de rencontrer au coeur de la crise. Notre mission d’Église n’est-elle pas d’accompagner chacun.e en proposant un regard particulier, un point de vue peut-être différent sur ce que la vie donne à traverser?
Le temps de l’engagement
« Animé.e.s par Dieu, engagé.e.s pour les humains », tel est un des slogans des Églises Berne-Jura-Soleure. Engagé.e.s pour chaque être humain: le fidèle, le passant, dans l’église, dans la rue, sur la toile.
Cela implique pour les professionnel.le.s, les bénévoles engagé.e.s et aussi les fidèles convaincu.e.s d’aussi sortir du petit confort de nos églises pour nous aventurer dans le monde, parfois trop méconnu, à la rencontre des hommes, des femmes.
Quitter notre confort implique de questionner nos habitudes, abandonner les fonctionnements stériles, trouver des structures porteuses, pour gagner en liberté et en souplesse.
Prendre soin de nos « ouailles » – pour reprendre les mots de l’article du JDJ – tout en allant à la rencontre de ces personnes du dehors du cercle connu, c’est possible, c’est carrément essentiel, c’est notre chance, peut-être même notre salut!
Dire et permettre d’expérimenter l’actualité et la pertinence de l’Évangile dans la vie de chacun.e… face à face, par téléphone, par les réseaux sociaux, dans la presse, ou que sais-je! Avec nos affinités, nos charismes, nos compétences, avec des outils connus et maîtrisés, par des canaux encore à s’approprier.
Il est temps de réinventer, de tester, adapter les manières de dire du sens à nos vies humaines! On réussira, beaucoup. On se plantera, beaucoup. Et on va réessayer, encore!
Bravo! Ça c’est dit et bien dit. Merci.