À quoi bon… pourquoi pas…

Prédication prononcée le 28 mai 2022 dans la paroisse de Bienne.
Thème inspiré de la chanson Pourquoi pas de Jofroi

Lectures bibliques
Livre de Jérémie, chapitre 29, verset 11
Lettre aux Galates, chapitre 5, versets 13-15 et chapitre 6, versets 9-10
Évangile de Matthieu, chapitre 5, versets 1-12

« Soyez par amour serviteurs les uns des autres !
Aime ton prochain comme toi-même !
Ne nous décourageons pas de faire le bien !
Pratiquons le bien envers tous ! »

Faire le bien

C’est plutôt clair : à la suite de la communauté des Galates exhortée par Paul à mener leur vie selon l’évangile, inspirés par les actes et les paroles du Christ dont ils se réclament – nous aussi, ici aujourd’hui, nous sommes encouragés à poursuivre cet engagement. 

Quels que soient nos talents, nos dons, nos métiers, nos âges, que ce soit pour une grande cause ou dans les petites choses du quotidien, ici ou là-bas, nous sommes appelés à réfléchir et définir comment ce commandement d’amour peut – par nous – se concrétiser et devenir réalité dans nos relations avec notre prochain. Nous sommes appelés à imaginer quelle forme prendra notre engagement pour le monde.

C’est là notre responsabilité de femmes et d’hommes chrétiens, réformés.

Et je suis certaine que toutes et tous ici nous nous y attelons du mieux que nous pouvons. Ça n’a rien de facile ou d’évident : il arrive qu’entre nos convictions sincères, et ce que nous pensons, disons ou faisons concrètement, un fossé se creuse. La cohérence n’est peut-être pas toujours la principale qualité de l’être humain, même du plus convaincu des croyants !

Qu’importe, le commandement d’amour est là, comme un azimut qui donne le sens à nos vies.

Et pas besoin de se réclamer spécifiquement de la foi chrétienne pour reconnaître toute la légitimité et la pertinence de ce commandement. Personne ne le conteste, et pourtant, tout semble mis en œuvre dans notre monde pour recentrer l’individu bien plus sur lui-même que sur son prochain : performance individuelle, réussite personnelle. Comme si la valeur d’un être humain pouvait se mesurer en faisant abstraction de ses relations, de ses interactions avec ses semblables.

Alors au milieu des injonctions parfois contradictoires de notre monde, voguant entre nos désirs propres et justifiés et les attentes que nous ressentons peser sur nous, nous nous frayons notre chemin, nous réinventons le nécessaire équilibre entre l’envie de nous concentrer sur nous-mêmes et notre responsabilité de présence à l’autre,

Entre notre besoin légitime de confort et notre profonde aspiration à nous engager sans compter pour changer le monde.

Encore une fois, mener nos vies conformément aux exigences d’ouverture, de disponibilité et d’accueil de l’Évangile ne va pas de soi. Nous y excellons certains jours, nous nous couchons certains soirs par très fiers de ce que nous avons ou pas accompli…

Mais nous recommençons le lendemain !
À être serviteurs les uns des autres !
À aimer notre prochain comme nous-mêmes,
Nous persévérons à faire le bien !

Mais… à quoi bon ?

À quoi bon?

À quoi bon tous nos efforts ?

Le monde sera-t-il vraiment meilleur demain ?

La vie ne serait-elle pas un peu plus simple si on laissait de côté le souci des autres ?

Pourquoi est-ce que je m’échinerais à toujours me mettre au service de l’autre, alors que la réciprocité ne va clairement pas de soi ? Qu’est-ce que ça m’apporte ?

À quoi bon se comporter bien envers les autres ? N’en n’avez-vous pas marre qu’on vous prenne toujours pour la bonne poire de service ?

Pourquoi est-ce que je me donnerais de la peine pour parquer ma voiture comme il faut, bien sur la place de parc pour n’embêter personne, alors que la plupart de mes concitoyens se moquent bien d’occuper deux places de parc dans un parking déjà bondé ?

Pourquoi est-ce que je complique ma vie quotidienne et mes finances pour agir en prenant soin de l’environnement alors que les grandes industries continuent à polluer impunément ?

Pourquoi serait-ce à moi de changer le monde alors que les puissants, les gens de pouvoir n’y parviennent pas ?

À quoi bon d’ailleurs changer ? On a toujours fait comme ça.

À quoi bon m’engager ? Mon avis compte-t-il vraiment ? Ma voix sera-t-elle entendue ?

À quoi bon même encore être protestants, réformés, quand on découvre après une lecture honnête des textes bibliques, que ce ne sont même pas nos bonnes actions qui nous garantissent une place au paradis ! Nos œuvres ne nous font pas mériter le salut ; la grâce, on l’a déjà reçue avant d’avoir fait quoi que ce soit !

Alors à quoi bon ?

Et si là était le bonheur?

Et bien figurez-vous, il paraît que faire le bien rend heureux…

Jean-Jacques Rousseau disait : « Faire le bien est le plus vrai bonheur que le cœur humain puisse connaître. »

Des études scientifiques démontrent que faire le bien contribue activement au bonheur. Et même, les actes de générosité pourraient contribuer à réduire la sensation de douleur. En gros : quand on se montre généreux, notre organisme produit des hormones qui entraînent une sensibilité moins forte à la douleur. Source : www.penser-et-agir.fr/faire-le-bien

Je vous propose de faire un beau cadeau à votre dentiste lors de votre prochaine visite… vous verrez…

Sérieusement… de bonheur, il en est question dans le texte de l’évangile de Matthieu lu tout à l’heure. Ces béatitudes comme nous les appelons, placent la source du bonheur dans l’accomplissement, dans la réalisation concrète même de l’amour du prochain.  

Heureux ceux qui font preuve de bonté, car on aura de la bonté pour eux !

Ou dit autrement :

Heureux ceux qui sont attentifs à l’appel des autres, ils seront semeurs de joie.

Heureux ceux qui sont insultés à cause de Dieu, ils seront dans l’allégresse car leur récompense sera grande au ciel.

Ou dit autrement :

Heureux ceux qui savent reconnaître le visage de Dieu dans celles et ceux qui croisent leur route, ils goûtent ainsi au Royaume promis.

Oui, le bonheur est là, dans la volonté ferme de ne jamais s’arrêter à son petit bonheur individuel, centré sur sa petite personne, bien au chaud, bien à soi, mais de toujours mettre en jeu, construire le bonheur de l’autre, des autres.

Qu’il s’agisse de son conjoint, de ses enfants, de membres de sa famille, de collègues de travail, d’amis ou d’inconnus à l’autre bout du monde.

Semer le bonheur pour l’autre et récolter ainsi du bonheur pour soi… Se rendre alors compte que c’est l’autre qui fait mon bonheur… ne faut-il pas alors continuer à tout faire pour que l’autre soit heureux puisque de son bonheur à lui naîtra le mien ?

N’est-ce pas là la définition même de l’amour ?

De cette promesse d’un amour qui se partage avec nos prochains, qui se construit avec l’autre, qui s’enrichit des apports de chacune et chacun, qui s’épanouit dans les engagements des uns envers les autres, naîtra notre capacité à remplacer nos à quoi bon par des pourquoi pas…

Pourquoi pas mettre un peu de beau, de bon, de juste dans nos relations, dans nos interactions, dans nos entreprises ? Pourquoi pas essayer ? Pourquoi pas oser ?

Pourquoi pas…

Appréhender nos existences avec des pourquoi pas, c’est témoigner de l’espérance qui nous porte, sans renier les difficultés dont nous avons parlé tout à l’heure, sans nous voiler la face devant les malheurs du monde. Cette espérance n’a rien à voir avec le fait d’être des optimistes naïfs qui ne verraient la vie qu’en couleur pastel ; l’espérance est bien plus qu’un simple trait de caractère. L’espérance est notre capacité humaine à considérer le monde tel qu’il est vraiment, avec ce qu’il a de merveilleux et de méprisable, et à y discerner les signes qui disent que la Vie aura le dernier mot.

Nous confessons un Dieu qui le premier a adressé un pourquoi pas à l’être humain. Un pourquoi pas qui nous ouvre à tous les possibles. Un pourquoi pas qui nous donne assez de confiance, de force et de liberté pour ne pas céder au découragement, pour ne pas perdre pied, quelles que soient l’épaisseur des ténèbres, et la puissance des à quoi bon qui résonnent bruyamment autour de nous.

Heureux, heureuse alors qui à la question

« À quoi bon se fatiguer à refaire le monde entier ? » répondra: « Pourquoi pas imaginer pouvoir l’améliorer ? »

Amen

Note
Cette prédication a été retravaillée, modifiée et adaptée d’une ancienne prédication que j’avais imaginée sur ce thème. Dans le cadre des remplacements que je fais, je me permets de temps en temps de reprendre une ancienne production!

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